Fin de la déductibilité des voitures thermiques : le compte à rebours s’accélère en Belgique

Déduction fiscale des voitures thermiques en Belgique : la pente glissante
Un calendrier d'extinction programmé qui impacte directement votre rentabilité
La fiscalité automobile belge connaît une révolution sans précédent. Le gouvernement a adopté un plan de verdissement accéléré qui rend les voitures thermiques fiscalement de moins en moins intéressantes, jusqu'à leur extinction totale en 2028. Pour les entreprises belges, ce durcissement représente un enjeu financier majeur : selon les estimations de l'Arval Mobility Observatory, le surcoût fiscal d'un véhicule thermique atteint désormais 6 800 € par an en 2025, contre 3 200 € en 2023.
Les PME et indépendants sont en première ligne : 62% des voitures de société en Belgique restent des modèles thermiques ou hybrides classiques, alors que leur déductibilité fiscale chute à 75% maximum en 2025, avant de disparaître totalement en 2028. Cette transition forcée crée un dilemme stratégique crucial pour les dirigeants : continuer avec des véhicules qui perdent rapidement leur avantage fiscal, ou investir dès maintenant dans l'électrique malgré un coût d'acquisition supérieur de 15 000 à 25 000 €.
Cadre réglementaire belge : un verdissement accéléré depuis juillet 2023
La loi Van Peteghem votée en 2022 a marqué un tournant décisif dans la fiscalité automobile belge. L'objectif affiché : atteindre 100% de véhicules zéro émission dans les flottes professionnelles d'ici 2030.
Le calendrier de la déductibilité fiscale :
Pour les véhicules thermiques et hybrides classiques commandés entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025, la déductibilité fiscale suit un calendrier dégressif strict :
2025 : Déductibilité maximum de 75% (plafonnée)
2026 : Déductibilité maximum de 50% (plafonnée)
2027 : Déductibilité maximum de 25% (plafonnée)
2028 et au-delà : 0% de déductibilité
Cette réduction s'applique à l'ensemble des frais liés au véhicule : amortissement ou loyer de leasing, entretien, assurance, et même le carburant. Concrètement, une entreprise qui acquiert en 2025 une voiture thermique de 40 000 € ne pourra déduire fiscalement que 30 000 € maximum (75%), générant immédiatement 2 500 € de dépenses non admises (DNA) supplémentaires au taux d'impôt des sociétés de 25%.
La formule de calcul pour les véhicules commandés avant juillet 2023 :
Ces véhicules conservent l'ancienne formule de déductibilité basée sur les émissions de CO2 :
Formule : 120% - (0,5 × CO2 × coefficient)
Coefficient diesel : 1
Coefficient essence : 0,95
Par exemple, un véhicule diesel émettant 110 g/km aura une déductibilité de : 120% - (0,5 × 110 × 1) = 65% pendant toute sa durée de vie chez le même propriétaire.
Important : Depuis 2025, le minimum de déductibilité de 40-50% a été supprimé. Un véhicule très polluant peut désormais tomber à 0% de déductibilité même s'il a été commandé avant juillet 2023.
La cotisation de solidarité CO2 : l'autre bombe à retardement
Au-delà de la déductibilité, l'employeur qui met une voiture de société à disposition doit payer à l'ONSS une cotisation patronale de solidarité, communément appelée "cotisation CO2". Cette taxe, calculée mensuellement, a littéralement explosé depuis juillet 2023 pour les véhicules thermiques.
Formule de calcul 2025 :
Pour un véhicule diesel : Cotisation mensuelle = [[(CO2 × 9) - 600] ÷ 12] × 1,5948 × multiplicateur
Le multiplicateur dépend de la date de commande et évolue dramatiquement :
Véhicules commandés avant juillet 2023 : pas de multiplicateur
Véhicules commandés après juillet 2023 :
2024 : ×2,25
2025 : ×2,75
2026 : ×4,00
2027 et après : ×5,50
Exemple concret : Volkswagen Passat diesel 145 g/km commandée en août 2023
Calcul 2025 :
Base : [(145 × 9) - 600] ÷ 12 = 75,75 €
Indexé : 75,75 € × 1,5948 = 120,81 €
Avec multiplicateur 2025 : 120,81 € × 2,75 =
332,22 € par mois
Soit 3 987 € par an
En 2026, avec le multiplicateur à 4,00, cette même voiture coûtera 483,24 € par mois, soit 5 799 € par an !
À titre de comparaison, un véhicule électrique ne paie que la cotisation minimale de 37,33 € par mois en 2025, soit 448 € par an. L'écart annuel atteint 3 539 € pour un seul véhicule.
Cotisation minimale 2025 :
Véhicules commandés avant juillet 2023 : 33,22 € par mois
Véhicules commandés après juillet 2023 : 37,33 € par mois (applicable aux véhicules électriques et hybrides rechargeables)
Impact financier total : le vrai coût d'un véhicule thermique en 2025
Analysons le coût fiscal réel sur 5 ans d'un véhicule thermique versus un véhicule électrique, pour une société belge soumise à l'impôt des sociétés au taux de 25%.
Scénario A : BMW 320d (diesel, 145 g CO2/km) - Commandée septembre 2025
Données :
Prix catalogue : 45 000 € TVAC
Amortissement sur 5 ans
Frais annuels (entretien, assurance, carburant) : 6 000 €
Coûts fiscaux :
Déductibilité limitée à 75% en 2025 :
DNA sur amortissement 2025 : (9 000 € × 25%) × 25% = 562,50 €
DNA sur frais 2025 : (6 000 € × 25%) × 25% = 375 €
Surcoût fiscal 2025 : 937,50 €
Déductibilité 50% en 2026 :
DNA totaux 2026 : 3 750 €
Surcoût fiscal 2026 : 937,50 €
Déductibilité 25% en 2027 :
DNA totaux 2027 : 5 625 €
Surcoût fiscal 2027 : 1 406,25 €
Déductibilité 0% en 2028-2029 :
DNA totaux par an : 7 500 €
Surcoût fiscal annuel : 1 875 €
Total surcoût DNA sur 5 ans : 7 031,25 €
Cotisation CO2 ONSS :
2025 : 3 987 €
2026 : 5 799 € (multiplicateur 4,00)
2027 : 7 984 € (multiplicateur 5,50)
2028 : 7 984 €
2029 : 7 984 €
Total cotisation CO2 sur 5 ans : 33 738 €
ATN pour l'employé :
ATN annuel moyen : 4 800 €
Sur 5 ans : 24 000 € (charge patronale via cotisations sociales)
Coût fiscal total véhicule thermique sur 5 ans : 64 769 € Soit 12 954 € par an en moyenne
Scénario B : Tesla Model 3 Long Range (électrique, 0 g CO2/km) - Commandée septembre 2025
Données :
Prix catalogue : 55 000 € TVAC
Amortissement sur 5 ans
Frais annuels (entretien, assurance, électricité) : 3 200 €
Coûts fiscaux :
Déductibilité 100% de 2025 à 2027 :
DNA : 0 €
Surcoût fiscal : 0 €
Cotisation CO2 ONSS minimale :
37,33 € par mois × 12 × 5 ans =
2 240 €
ATN pour l'employé :
ATN annuel moyen électrique : 2 800 €
Sur 5 ans : 14 000 €
Coût fiscal total véhicule électrique sur 5 ans : 16 240 € Soit 3 248 € par an en moyenne
Écart financier décisif
Économie fiscale du véhicule électrique sur 5 ans : 48 529 € Soit 9 706 € d'économie par an
Cet écart compense largement la différence de prix d'achat initial (10 000 €) et génère une économie nette de 38 529 € sur la période. Le retour sur investissement est atteint en 12 mois seulement.
Si on ajoute l'économie de carburant (électricité vs diesel : environ 2 800 € par an), l'écart grimpe à 62 529 € sur 5 ans, soit 12 506 € d'économie annuelle.
Les pièges qui coûtent cher aux entreprises belges
Piège n°1 : Reporter l'achat en pensant que "ça va s'arranger"
Beaucoup d'entreprises espèrent un assouplissement du gouvernement. C'est une erreur stratégique majeure. L'accord de gouvernement Arizona d'avril 2025 a confirmé et même renforcé le calendrier de verdissement. Plus vous attendez, plus les coûts explosent. Un véhicule thermique commandé en 2026 ne sera jamais déductible.
Piège n°2 : Sous-estimer la cotisation CO2
En 2025, la cotisation CO2 représente 52% du coût fiscal total d'un véhicule thermique. En 2027, avec le multiplicateur à 5,50, elle atteindra 68%. C'est devenu le poste de coût le plus important, dépassant largement les DNA.
Piège n°3 : Ignorer les zones à basses émissions (LEZ)
Bruxelles, Anvers, Gand et d'autres villes belges durcissent leurs restrictions LEZ. D'ici 2030, l'accès aux centres-villes sera interdit aux véhicules thermiques. Une étude de la Febiac estime le coût opérationnel caché (détours, péages, amendes) à 4 200 € par véhicule et par an pour les entreprises urbaines.
Piège n°4 : Ne pas anticiper l'impact trésorerie
La cotisation CO2 se paie trimestriellement à l'ONSS. Pour une flotte de 10 véhicules thermiques, cela représente 10 000 € de sortie de trésorerie par trimestre en 2025, 15 000 € en 2026. Cette ponction régulière fragilise les PME à faible marge.
Piège n°5 : Oublier l'impact sur le recrutement
Une enquête SD Worx 2024 révèle que 42% des candidats refusent une offre d'emploi si la voiture de société proposée est thermique. La voiture électrique est devenue un argument de recrutement et de rétention des talents.
Stratégies d'optimisation pour entreprises belges
Stratégie 1 : Commander avant le 31 décembre 2025
C'est la dernière fenêtre pour bénéficier d'une déductibilité partielle sur un véhicule thermique ou hybride. Même limité à 75% en 2025 puis 50-25%, c'est toujours mieux que 0% à partir de 2026. Mais attention : cette stratégie ne se justifie que pour des cas très spécifiques (gros rouleurs nécessitant de l'autonomie).
Stratégie 2 : Privilégier le leasing opérationnel
Le leasing permet d'étaler le coût et d'inclure tous les services (entretien, assurance, assistance). Pour les véhicules électriques, les loyers sont entièrement déductibles. De plus, vous évitez l'immobilisation de trésorerie et pouvez renouveler plus fréquemment pour profiter des évolutions technologiques.
Stratégie 3 : La transition progressive de flotte
Pour une flotte de 15 véhicules, planifiez le remplacement sur 3 ans :
2025 : Remplacer 5 véhicules par électriques (priorité : trajets urbains courts)
2026 : Remplacer 7 véhicules (trajets mixtes avec bornes rapides sur autoroutes)
2027 : Remplacer les 3 derniers (attendre l'amélioration de l'autonomie et la baisse des prix)
Cette approche lisse l'investissement et permet d'accompagner les collaborateurs dans le changement.
Stratégie 4 : Négocier les aides régionales
Les trois régions belges proposent des primes :
Flandre
: Prime Energiebonus jusqu'à 5 000 € pour les entreprises
Bruxelles
: Prime Bruxell'Air jusqu'à 4 800 € + exonération taxe de mise en circulation
Wallonie
: Aide à l'acquisition jusqu'à 4 500 €
Cumulées avec la déduction pour investissement majorée (24% en 2025 pour l'achat d'un véhicule électrique), ces aides réduisent significativement le coût net d'acquisition.
Stratégie 5 : Installer des bornes de recharge
L'installation de bornes de recharge en entreprise est déductible à 100% depuis septembre 2024 (l'ancien taux majoré de 200% n'est plus d'application). Coût moyen : 1 500 € par borne. Cet investissement permet de :
Réduire les coûts de recharge (électricité professionnelle moins chère)
Faciliter l'adoption par les collaborateurs
Valoriser l'image de l'entreprise
Stratégie 6 : Le budget mobilité comme alternative
Depuis 2025, le budget mobilité devient automatiquement accessible à tous les travailleurs ayant ou pouvant avoir une voiture de société. Cette option permet de :
Offrir une alternative personnalisée (transport public, vélo, trottinette)
Réduire les coûts fixes de flotte
Attirer des profils urbains sans permis de conduire
Le budget mobilité annuel correspond au coût total de possession (TCO) de la voiture de société qui aurait été attribuée, avec un avantage fiscal pour le travailleur.
Cas pratique : Entreprise de 18 collaborateurs
Situation 2024 :
Flotte : 12 véhicules diesel (BMW Série 3, Audi A4, VW Passat)
Emissions moyennes : 142 g CO2/km
Coût fiscal annuel 2024 : 41 800 €
Budget carburant annuel : 28 000 €
Plan de transition 2025-2027 :
Phase 1 (2025) :
Remplacement de 4 véhicules en fin de contrat par des Tesla /Polestar
Investissement : 180 000 €
Aides régionales Bruxelles : 19 200 €
Coût net : 160 800 €
Installation de 4 bornes : 6 000 €
Phase 2 (2026) :
Remplacement de 5 véhicules par des électriques (mix Tesla/Hyundai Ioniq 5)
3 collaborateurs passent au budget mobilité (trajets urbains uniquement)
Investissement véhicules : 185 000 €
Économie budget mobilité : 45 000 € (vs coût voitures de société)
Phase 3 (2027) :
Remplacement des 3 derniers diesel
Objectif 100% flotte électrique atteint
Résultats financiers après 3 ans :
Économie cotisation CO2 :
2024 : 28 400 € (12 véhicules diesel)
2027 : 5 600 € (9 véhicules électriques + 3 budgets mobilité)
Économie annuelle : 22 800 €
Économie DNA :
Passage de 16 200 € à 0 € de DNA
Économie annuelle : 16 200 €
Économie carburant :
Diesel : 28 000 €/an → Électricité : 9 800 €/an
Économie annuelle : 18 200 €
Économie budget mobilité :
3 collaborateurs : 45 000 €/an vs coût voitures
Économie annuelle : 45 000 €
Total économies annuelles : 102 200 € Investissement total : 345 800 € (nets après aides) Retour sur investissement : 3,4 ans
À partir de la 4ème année, le cabinet réalise 102 200 € d'économie pure chaque année. Sur 10 ans, l'économie cumulée atteint 1 022 000 € tout en ayant une flotte plus moderne et plus attractive.
Données clés Belgique 2025
Déductibilité fiscale :
Véhicules thermiques (commandés après juillet 2023) : 75% max en 2025
Véhicules électriques (commandés avant 2027) : 100%
Extinction totale thermiques : 2028
Cotisation CO2 ONSS :
Diesel 145 g/km : 332 € par mois (3 987 €/an)
Multiplicateur 2025 : ×2,75
Multiplicateur 2026 : ×4,00
Multiplicateur 2027 : ×5,50
Cotisation minimale électrique : 37 € par mois (448 €/an)
Écarts de coûts :
Surcoût fiscal thermique vs électrique : 9 706 € par an
Économie carburant : 2 800 € par an
Total économie électrique : 12 506 € par véhicule/an
Chiffres secteur :
62% des voitures de société belges sont encore thermiques
28% sont électriques (objectif 100% en 2030)
42% des candidats refusent une offre si la voiture est thermique
Conclusion : agir maintenant pour économiser demain
La déduction fiscale des voitures thermiques en Belgique suit effectivement une pente glissante qui s'est transformée en chute libre depuis juillet 2023. Le différentiel de coût fiscal entre un véhicule thermique et électrique atteint 48 529 € sur 5 ans, un écart qui explosera encore avec les multiplicateurs de cotisation CO2 qui atteindront 5,50 en 2027.
Cette évolution n'est pas négociable : le calendrier est fixé législativement jusqu'en 2028, avec extinction totale de la déductibilité. Les entreprises qui temporisent perdent littéralement de l'argent chaque mois. Un véhicule thermique commandé aujourd'hui coûtera 332 € par mois de cotisation CO2 en 2025, 483 € en 2026, et 666 € en 2027. Sur 3 ans, cela représente 17 964 € de charges patronales pures, sans aucune contrepartie.
L'équation économique est désormais limpide : malgré un prix d'achat supérieur de 10 000 à 15 000 €, le véhicule électrique génère 38 500 € d'économie fiscale et 14 000 € d'économie de carburant sur 5 ans, soit 52 500 € d'économie nette. Le retour sur investissement est atteint en 12 mois.
Les dirigeants qui anticipent dès 2025 sécurisent un triple avantage : réduction immédiate des charges fiscales et sociales, conformité assurée avec les futures restrictions LEZ, et attractivité renforcée pour le recrutement et la rétention des talents.
La question n'est plus de savoir s'il faut passer à l'électrique, mais comment orchestrer cette transition pour minimiser l'impact trésorerie. Un audit de flotte réalisé maintenant permet d'identifier les véhicules prioritaires à remplacer, de construire un plan de financement optimal (leasing, aides régionales, déduction pour investissement), et de préparer les collaborateurs au changement.
En Belgique, 2025-2026 représente la dernière fenêtre pour opérer cette transition dans de bonnes conditions. À partir de 2027, la pression fiscale sera telle que le maintien de véhicules thermiques relèvera de l'aberration économique.